Le rapport entre les Français et leurs animaux de compagnie a connu une transformation radicale en quelques décennies. Autrefois utilitaires, les chiens et les chats sont désormais perçus comme des membres de la famille à part entière. Ce phénomène sociologique, affectif mais aussi économique, s’accompagne d’une montée en gamme de tous les services animaliers. Une mutation qui redéfinit le rôle du vétérinaire, les attentes des propriétaires et les enjeux de l’industrie du pet care.
Un membre de la famille à part entière
En 2025, une enquête Ipsos réalisée avec SantéVet révèle que 69 % des Français considèrent leur animal comme un véritable membre de la famille. Chez les 25-34 ans, ce chiffre grimpe à 84 %, signe que ce rapport intime s’ancre encore plus dans les jeunes générations.
Plus frappant encore : 36 % des sondés voient leur animal comme un enfant, et 27 % estiment que leur famille ne serait pas complète sans lui. Ce n’est plus une tendance marginale, c’est une transformation sociale profonde, qui redéfinit ce qu’on entend par « famille » au XXIe siècle.
Un lien affectif qui façonne les comportements
Ce nouveau statut s’accompagne d’un vocabulaire évocateur : les propriétaires parlent de « mes bébés », d’« adoption », de « garde alternée »… L’animal devient un interlocuteur émotionnel, un confident. Notre animal de compagnie incarne désormais une forme d’amour inconditionnel et de stabilité affective, dans une société marquée par l’éclatement familial et la solitude.
Ce lien impacte directement les modes de vie : on déménage pour un jardin, on organise ses vacances autour de son animal, et…on évite les relations amoureuses si la personne « n’aime pas les bêtes ». Et oui, selon cette même étude 67 % des Français « ne pourraient envisager une relation de couple avec une personne qui n’aime pas les animaux ».
Premiumisation du petfood : manger (presque) mieux que leurs humains
Conséquence directe de cet attachement : les Français veulent offrir le meilleur à leurs animaux. Et cela commence par l’alimentation. D’après une analyse du cabinet Xerfi, le secteur du petfood connaît une véritable premiumisation :
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Montée en gamme des croquettes (bio, véganes, sans céréales, personnalisées).
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Explosion des marques D2C (Direct to Consumer : modèle de distribution où une entreprise vend directement aux consommateurs) avec livraison mensuelle.
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Intégration croissante de la nutrition fonctionnelle (digestion, poil, articulation).
Cette évolution est d’ailleurs largement impulsée par les jeunes propriétaires, mieux informés, plus exigeants, et sensibles à la cause animale. Ils veulent une traçabilité irréprochable, une composition saine, et une alimentation qui reflète leur propre style de vie.
Des services à l’image d’un enfant gâté
Là encore, le parallèle avec la parentalité est frappant. L’offre de services haut de gamme pour les services aux animaux de compagnie explose :
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Hôtels pour chiens et chats, avec webcam, soins, menus personnalisés.
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Toilettage spa avec bains à l’argile, massage, relaxation.
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Photographes animaliers, coach sportif, éducateurs comportementalistes.
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Vétérinaires spécialisés en gestion de la douleur, ou nutrition préventive.
On ne garde plus un animal, on s’en occupe comme d’un enfant, avec une attention portée à son bien-être physique et psychique. Les vacances se planifient désormais selon les disponibilités de pensions de qualité, les assurances santé animale se multiplient, et les obsèques d’animaux deviennent une réalité pour de nombreux foyers.
Le vétérinaire : un conseiller familial ?
Ce bouleversement affecte aussi la profession vétérinaire, désormais confrontée à des attentes plus larges : empathie, pédagogie, accompagnement émotionnel. Il ne s’agit plus seulement de soigner un animal malade, mais d’en suivre le développement, la nutrition, le comportement.
Certains praticiens s’orientent vers des spécialisations pointues (ostéopathie, comportement, phytothérapie), d’autres développent la téléconsultation ou la médecine préventive personnalisée.
Une transformation économique et culturelle
L’attachement croissant aux animaux a un impact direct sur le marché : en 2023, le secteur du petcare (alimentation, accessoires, services) dépassait les 5,5 milliards d’euros en France. Les marques l’ont bien compris, et adaptent leur communication à ces « pet parents » modernes. Ce changement culturel s’inscrit dans une vision du foyer élargi, où l’amour et le soin ne sont plus limités à l’espèce humaine.
Nos chiens et nos chats ne sont plus des animaux domestiques au sens traditionnel. Ils sont devenus des membres du foyer, des enfants d’un genre nouveau, aimés, écoutés, soignés et protégés. Une évolution qui, loin d’être anecdotique, révèle les contours affectifs, économiques et symboliques d’une société en pleine transformation.