Un maillage vétérinaire en tension, partout sur le territoire
La France compte aujourd’hui près de 75 millions d’animaux domestiques et d’élevage, pour seulement 19 500 vétérinaires en exercice. Cela représente 60 fois moins de soignants que pour la population humaine. Alors que l’animal est de plus en plus considéré comme un membre à part entière du foyer, les propriétaires sont souvent confrontés à des délais d’attente de plusieurs semaines ou à l’impossibilité de consulter dans leur secteur. Le phénomène de déserts vétérinaires devient une réalité nationale.
Une crise structurelle aux multiples racines
La pénurie de vétérinaires ne se résume pas à une simple question de nombre : c’est un effet domino de plusieurs dysfonctionnements structurels.
1. Une formation initiale sous-dimensionnée
Le numerus clausus vétérinaire a longtemps été restrictif, ralentissant le renouvellement des générations. Aujourd’hui, plus de la moitié des primo-inscrits à l’Ordre proviennent d’autres pays européens, ce qui interroge directement l’adéquation de notre système de formation aux besoins réels.
2. Une profession en mutation profonde
La profession se féminise rapidement (près de 56 % de femmes), et 72 % des femmes vétérinaires ont moins de 40 ans. Les jeunes praticiens – souvent salariés – cherchent un équilibre vie pro/perso, un environnement collaboratif, et des conditions plus protectrices que le modèle historique du vétérinaire isolé, corvéable à merci.
3. Des modèles économiques sous pression
Les équipements modernes – comme les scanners, les logiciels ou les blocs opératoires – coûtent très cher. Pour une jeune ou petite clinique, ces investissements sont lourds et souvent difficiles à rentabiliser. alors que les les attentes montent. Cela freine l’installation de jeunes praticiens qui hésitent à investir leur patrimoine personnel dans un cabinet vétuste ou isolé.
4. Des conditions de travail dissuasives
Surmenage, gardes de nuit, administratif chronophage : les vétérinaires sont épuisés. Plus de 40 % des praticiens qui quittent l’Ordre ont moins de 40 ans, révélant une hémorragie de talents alarmante.
Des pistes de modernisation urgentes et collectives
Comme le souligne le SYNGEV (Syndicat national des groupes d’établissements vétérinaires), la crise ne sera pas résolue par une seule mesure. Il faut agir sur trois fronts simultanés :
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Former plus, mieux et autrement
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Repenser l’accès aux Ecole Nationale Vétérinaires
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Encourager les profils atypiques et les reconversions.
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Développer la formation continue collaborative entre cliniques (radiologie, oncologie, urgences…).
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Alléger la charge pour mieux soigner
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Mutualiser les fonctions support (RH, gestion, compta). Les groupes de cliniques qui sont arrivés dans le paysage vétérinaires français il y a 5 ans soulagent les vétérinaires sur ces aspects.
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Favoriser le travail en groupe ou en réseau.
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Automatiser l’administratif et libérer du temps médical.
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Investir collectivement pour rester compétitif
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Créer des fonds de soutien à la modernisation des structures.
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Promouvoir la télémédecine encadrée.
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Rapprocher les acteurs publics, les collectivités et les groupes.
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La pénurie de vétérinaires n’est pas un épiphénomène. C’est un signal d’alerte pour un secteur stratégique, à l’interface entre santé animale, santé publique et bien-être sociétal. Pour y répondre, il ne suffit pas d’augmenter le nombre de diplômés : il faut repenser les conditions d’exercice, les parcours professionnels et la place du vétérinaire dans un écosystème en mutation. Car derrière chaque désert médical se cache un animal non soigné… et un vétérinaire isolé.